On a souvent dit que Paris était une ville d’anciens provinciaux ; en 2025 l’INSEE relevait que près de 30 % des Parisiens étaient nés hors de la capitale, la majorité y étant venue pour des raisons professionnelles. Comme dans d’autres métropoles européennes, beaucoup d’étrangers sont venus aussi, et viennent toujours, s’y installer, artistes ou non. C’est son histoire, mais également ce caractère de mosaïque, qui donnent à la capitale son caractère particulier et elle garde de diverses manières des traces visibles de certains apports.
Des rues et des statues
Le livre s’ouvre avec le nom d’Aragon, écrivain Parisien s’il en fut — l’un des fondateurs du surréalisme, il a publié Le Paysan de Paris en 1926 — et lié cependant au Périgord ; démobilisé en 1940, il se retrouve à Ribérac (d’où La leçon de Ribérac ou l’Europe française), puis s’installe un peu avec Elsa Triolet, son épouse juive qui l’a rejoint, à Javerlhac, où une rue y porte aujourd’hui son nom — avant d’être un résistant actif. Après cette entrée en matière, « le Périgourdin à Paris », c’est-à-dire Romain Bondonneau, relève dans la ville les noms de personnages plus ou moins célèbres de sa province : leur patronyme a été choisi pour nommer des rues, des places, des établissements scolaires ; ou leurs statues ornent des lieux. La moisson reste relativement limitée mais les trois premiers noms retenus sont encore connus en France et un peu hors de ses frontières, Montaigne, La Boétie et Joséphine Baker. Chacun d’eux a illustré le Périgord, qu’il y ait eu ses racines ou qu’elle l’ait adopté entièrement.
Trio de tête

Indiquer que Montaigne avait son avenue à Paris, La Boétie sa rue et Joséphine Baker son cénotaphe au Panthéon était insuffisant. Était encore insuffisant d’ajouter qu’une statue du premier était installée devant la Sorbonne, deux autres au Louvre et qu’une plaque rappelait que la troisième avait contribué dans son cabaret à faire connaître le jazz en France dans les années 1920. Pour inciter le lecteur à compléter son information, l’auteur choisit quelques faits qui éclairent l’activité ou l’influence des trois personnages. Par ailleurs, il parcourt rue et avenue et indique les destinations les plus remarquables des immeubles, de la galerie d’art de Paul Rosenberg rue de la Boétie à l’espace commercial de Gucci avenue Montaigne.
Écrivains et artistes
Les liens avec Paris d’autres Périgourdins du passé sont évoqués, dont Édouard Rouzier et son restaurant, « La Rôtisserie périgourdine » qui proposait dans les années 1920 une carte où voisinaient « le foie gras de Sarlat au porto, le confit d’oie au verjus, les truffes sous la cendre, la carpe farcie au foie gras ». Quelques cafés parisiens et des boutiques incluent dans leur nom le mot « Périgord », qui reste une allusion transparente au bien-vivre. D’autres noms de rues rappellent l’existence d’écrivains, de géographes nés en Périgord comme Brantôme, Fénelon (qui fut évêque de Cambrai), Émile Goudeau a aussi à une place à Périgueux ou Élisée Reclus ; Bugeaud est présent, pour rappeler qu’il fut une des pires figures de la colonisation. Romain Bondonneau a également recopié le nom des 124 Justes périgourdins inscrits sur le Mémorial de la Shoah et il a réservé un sort particulier à un architecte bien vivant, Jean Nouvel, et à deux peintres qui s’installèrent en Périgord, Robert Filliou et Martial Raysse.
Et aussi
Romain Bondonneau a souhaité donner une image vivante de quelques « gloires » du passé liées d’une manière ou d’une autre à sa « petite patrie » ; il le fait avec une connaissance sûre du sujet, avec une écriture alerte, parfois proche de l’oral, qui entraîne le lecteur. On peut suggérer pour une nouvelle édition les noms de deux amoureux du Périgord, Paul Éluard et Catherine Pozzi, qui y ont vécu.
Tristan HORDÉ
• Romain Bondonneau, Un Périgourdin à Paris, Les éditions du Ruisseau, 2025, 13 €.