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Carnets de vie : des habitants gardiens de la mémoire de leur quartier

PÉRIGUEUX. En septembre 2019, le conseil citoyen de la Boucle de l’Isle a mis en place des cafés rencontres ; moments d'échanges, de partages avec les habitants des quartiers du Gour de l'Arche et du bas Toulon (les 800 du chemin de la Monzie). Coordinatrice et animatrice, Emmanuelle Domin est parvenue à tisser des relations de confiance, nourries par l'écoute et l'envie commune de recréer du lien.
©CieRouletabille

La crise sanitaire et le confinement ont interrompu ces rassemblements amicaux ; mais les participants ont eu tout particulièrement à cœur, dans cette période difficile, de maintenir ces rendez-vous et de se mobiliser ensemble pour un projet de valorisation et de création collective autour de la mémoire de leurs quartiers : “les carnets de vie” . Cette belle aventure humaine intergénérationnelle, accompagnée par la compagnie Rouletabille, donnera lieu très prochainement à une édition papier, recueillant récits de vies et de rêves des habitants, et des illustrations libres réalisées en ateliers.

L’idée initiale de cette création collective revient à une figure emblématique du quartier, Jacqueline Brejassou, malheureusement décédée accidentellement en novembre dernier, et à laquelle les habitants rendent hommage d’une certaine façon. Cette femme de 87 ans, pleine d’énergie, qui vouait une affection sans bornes à son quartier et à ses résidents, se désolait souvent de constater que l’histoire du quartier disparaîtrait avec les anciens, sans que personne n’en soit dépositaire.

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Ensemble, c’est tout

Motivés et déjà unis par d’autres réalisations réussies (Lettre imaginaire) autour d’Emmanuelle Domin et avec le soutien technique de la compagnie Rouletabille, les habitants ont décidé de s’investir avec énergie dans ce projet, afin d’en faire un recueil de témoignages, de récits empreints d’un passé prégnant, en se servant du présent comme d’une passerelle vers un avenir rêvé, imaginé. Cette projection vers leur quartier futur a interrogé leurs attentes, leurs valeurs, mais aussi leurs émotions.

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Après avoir collecté les anecdotes et témoignages attachés à des lieux, des événements précis, Emmanuelle a sollicité les participants afin qu’ils se représentent leur environnement dans quelques décennies. Immeubles végétalisés, nature omniprésente, habitations futuristes, chaque participant s’est fait plaisir et a réfléchi à un quotidien idéal. Sans se concerter, ils ont majoritairement inscrit dans leur création un espace de vie commune, un endroit où se retrouver, discuter, avec bienveillance, eux qui, quelques mois plus tôt ne se connaissaient pas forcément, habitués à vivre dans un entre-soi limité à leurs proches.

Au cours des ateliers organisés par la compagnie Rouletabille, stimulés par Ambre, ils se sont dépassés, ont vaincu leurs réticences, leurs convictions qu’ils n’y parviendraient pas, pour se faire confiance. Photos, dessins, collages, autant de supports lors d’ateliers gravure animés par Gérard Maxheim, pour encrer leurs créations. Chacun y est allé de son imaginaire, montrant son attachement à son lieu de vie mais également son envie d’en faire un lieu d’entraide, de solidarité. Une façon de montrer ainsi que la cohésion sociale n’est pas qu’un laïus technocratique, mais s’appuie sur des relations humaines où l’on est simplement bien ensemble, en mixant nos différences et nos spécificités pour le bien commun.

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Aller au-delà de soi

Agissant comme un révélateur de cette intelligence collective naissante, le confinement a déterminé les habitants à faire perdurer cette étincelle insufflée par Emmanuelle. Les cafés rencontres leur ont permis d’apprendre à se connaître, au-delà de l’apparence, au-delà du jugement. De moments de revendications, de doléances, ils sont devenus, par la volonté, l’énergie de chacun des participants, des incubateurs de projets humainement nourrissants. Ils ont tous appris des choses sur eux en osant se faire confiance, grâce aux encouragements d’Emmanuelle, d’Ambre. Ils se sont découverts, comme Anne-Marie, Joëlle, des talents, des aptitudes jamais exercés. Après une carrière très physique dans la grande distribution, Josette a quant à elle enfin profité de moments de loisirs, de détente, de création. Jean-René reconnaît que lorsqu’Emmanuelle est venue lui proposer de participer aux cafés, comme elle l’a fait pour chacun des habitants, il a accepté et ne le regrette absolument pas. Particulièrement ému, il n’hésite pas à se qualifier de « loup solitaire qui ne parlait à personne et à qui personne ne parlait » et confesse, approuvé par les autres participantes : « Emmanuelle nous a donné la force de nous retrouver. J’ai pu renaître à moi-même et dépasser ma douleur et ma solitude pour parvenir à créer ». Ambre, animatrice des ateliers d’arts plastiques, ne cache pas sa joie d’avoir contribué à accompagner cette évolution, cette découverte de soi. Car tout de même, au-delà des objectifs sous-jacents de mémoire collective, de valorisation de quartiers trop souvent perçus comme “à problèmes”, il est bien question d’épanouissement, de reconnexion à ses émotions, de la joie d’être et d’être ensemble, d’énergie positive nourrissante pour le groupe et pour chacun de ses membres.

Aussi, les habitants des quartiers des 800 et du Gour de l’Arche ne veulent-ils pas perdre celle qui leur a permis de : « survivre et de renouer avec leurs émotions ». En effet, le CDD d’Emmanuelle arrivera à son terme le 6 juillet prochain. Ils ont donc signé une pétition pour qu’elle reste à leurs côtés et continue de les accompagner dans le projet dont ils ont déjà esquissé les grandes lignes : échanger avec d’autres quartiers, d’autres villes leurs différentes créations.

 

Conseils citoyens ?

Les conseils citoyens ont été mis en place par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21/2/2014, dans le cadre des nouveaux contrats de ville. Composés à parité d’habitants et d’acteurs locaux, ils visent à favoriser l’expression de la parole des habitants des quartiers, à créer des espaces de propositions et d’initiatives, en partant des besoins des habitants et en leur garantissant une place dans les instances de pilotage des projets.