Accueil BIEN ensemble Alzheimer : pour ne pas oublier ceux qui oublient

Alzheimer : pour ne pas oublier ceux qui oublient

Autour de Geneviève Demoures, une petite partie des partenaires et des bénévoles de l'association en Dordogne © SBT
CHAMPIONS INVISIBLES. Les récents Jeux paralympiques, à Paris, ont profondément modifié le regard de la société en le réorientant sur l'admiration, dans l'attente d'une meilleure inclusion. Qu'en est-il pour d'autres formes de fragilité ? Les malades d'Alzheimer, des personnes âgées dans la majorité des cas, et leurs aidants sont aussi des champions de l'exploit au quotidien.

Alzheimer compte parmi les mots qui font peur, colportent des idées reçues, découragent d’y porter attention. Geneviève Demoures, avec une équipe très investie (70 bénévoles formés, 400 adhérents, des intervenants professionnels), s’attache à secouer les représentations et à valoriser les actions de soutien aux malades et à leurs proches. Présidente de France Alzheimer Dordogne depuis 2017, vice-présidente nationale, l’ex médecin gériatre porte avec force une parole de terrain et d’humanité. « Les proches viennent souvent trop tard, quand la maladie a évolué, parce qu’on en parle peu ou mal. » Alors qu’il est essentiel d’anticiper, le premier contact se fait en situation de rupture, après un parcours d’isolement. Pourtant, porte d’entrée d’évaluation et de détection, les consultations mémoire se font à échéance de neuf mois, dans les hôpitaux de Périgueux, Bergerac, Gourdon.

« On parle d’épuisement, de découragement… L’image n’est pas très glamour pour attirer l’attention des médias et du public ».

Il n’existe plus de plan Alzheimer depuis 2012, seulement des feuilles de route. Comment porter la cause de ceux qui oublient… et qu’on oublie ? Un groupe s’est formé à l’Assemblée nationale pour une demande de détection, mais seulement 1 % des malades ont une forme génétique identifiable. Pour les autres, l’incitation au diagnostic précoce relève d’une préoccupation sociétale, d’une volonté politique : il ralentit pourtant l’entrée en dépendance, cap essentiel pour les principaux concernés comme pour la société.

Cette maladie ne se guérit pas, mais elle se soigne

Du côté de la recherche, l’étude Paquid menée par le professeur Dartigues (Bordeaux) est une exploration majeure des causes. Le premier facteur de risque étant le vieillissement, il appartient de se demander en avançant en âge comment mettre les chances de son côté, avec des actions de prévention qui peuvent repousser d’autres limites. « L’évolution de la maladie peut s’envisager sur 25 ans, on ne meurt pas d’Alzheimer mais des complications qu’elle entraîne », souligne la médecin.

Il y a un an, à la préfecture, Geneviève Demoures et Martine Dos Santos — déléguée régionale Unafam Nouvelle-Aquitaine, autre femme très investie pour les personnes en situation de fragilité — ont été décorées de l’ordre national du mérite (chevalier et officier) © SBT

Le diagnostic précoce ne suffit pas, il marque le début d’un accompagnement adapté. La journée mondiale de ce samedi 21 septembre donne l’occasion de faire le lien entre l’association et les familles, « trop souvent démunies face à la maladie et c’est à leur initiative que France Alzheimer est née en 1985 » ; en 1994 pour la Dordogne.

Si ce mal ne se guérit pas, il se soigne. Avec des traitements non médicamenteux, pour stabiliser et apaiser, par la musique notamment. Les actions de remobilisation cognitive font leur effet, ralentissent son évolution. La mobilisation associative et les circuits de soutien mis en place, l’éducation thérapeutique du patient, aident à traverser cette épreuve en allégeant la charge des proches aidants avec des services à domicile et des solutions de répit. « Avec le Conseil départemental, nous avons formé tous les aidants familiaux et bientôt les aides à domicile, déjà 400 dans les Cias et Ccas. »

Des soutiens pour « vivre avec »

Des groupes « vivre avec la maladie », des cercles de parole avec un psychologue et des entretiens individuels ouvrent la voie d’une meilleure inclusion dans le quotidien, pour intégrer des temps de repos, utiliser les bons mots, adoucir les conflits de loyauté intrafamiliaux ou amicaux.

Aux ateliers de soutien aux malades (activité physique adaptée, soins esthétiques, médiation artistique…) et aux proches aidants (soutien individuel, organisation de parcours de vie…) s’ajoutent de précieux temps dédiés aux binômes aidant-aidé : cafés mémoire, haltes relais (lieu d’animation, de soutien et d’écoute), sophrologie, lieux culturels, séjours vacances.

Une maladie qui isole… et qui crée aussi du lien

« On pense que c’est une maladie qui isole, mais c’est aussi une maladie qui recrée du lien. Les haltes relais sont des lieux importants et la trêve estivale en souligne le manque : les fidèles s’organisent alors pour garder le lien. Un groupe de 18 est parti un week-end en bus à Arcachon, on a aussi fait un tour de gabare à Bergerac. » Une bénévole de l’association

Parce que « les malades se trouvent partout en Dordogne, en milieu rural et pas seulement en ville », 72 communes sont identifiées villes aidantes tout comme le Département. France Alzheimer continuer de fixer des points d’accueil et d’activités, parce que la relation est essentielle. Des supports comme l’art ou le ping-pong, sport qui mobilise l’attention et l’équilibre, ouvrent aussi des parenthèses de convivialité. La médiation animale (Vergt) stimule les souvenirs par le soin et la promenade guidée. L’atelier de musicothérapie (Le Bugue) et des moments avec la chorale Vox Vesunna apportent leur lot d’apaisement : on y compose autrement, avec la mémoire émotionnelle, celle que conservent les malades quand tout le reste s’efface.

Les bénévoles de France Alzheimer Dordogne, sur le stand du marché de Périgueux lors de la journée mondiale 2024, aux côtés des associations Petit-fils, Cassiopea et
l’ACAP © D.R.

Journée mondiale samedi 21 septembre

Le rendez-vous en Dordogne est prévu à Périgueux et non à Bergerac comme d’habitude. Objectif : briser les tabous, montrer les visages multiples de cette maladie à travers les liens qu’elle suscite plutôt que ceux qu’elle bouscule.

Le matin, un stand sur le marché de Périgueux permettra de rencontrer les bénévoles et de réaliser des quiz. À 14 h, place Badinter, des activités sportives réuniront le public autour d’animateurs (tennis de table, pétanque, mölkky, tir à l’arc…) Le Bal Pop’ à 16 h (Swing et Compagnie) est une expérience joyeuse à ne pas manquer !

À 20h rendez-vous au Palace pour le spectacle poétique Distorsion (création danse, marionnettes, théâtre, du Collectif sur le Bord et Compagnie Ma Bulle, joué à Mimos cet été), suivi d’un bord de scène (entrée libre). C’est la dernière étape de six représentations proposées en Dordogne, créant des échanges forts à chaque fois. Le spectacle sera joué le 11 octobre à Nontron.

© D.R.

Disparition inquiétante. En prélude, mardi 17 septembre, l’association a reçu huit pompiers qui accomplissent en course à pied un périple de 360 km de la Vienne aux Landes. De quoi attirer l’attention sur la convention signée par France Alzheimer Dordogne avec le SDIS 24 (et bientôt les gendarmes) pour sensibiliser pompiers professionnels et volontaires à la relation avec des malades, et pour la recherche active en cas de disparition inquiétante.