C’est une voix qui manque aux oreilles et au cœur des auditeurs de France Bleu Périgord. Un départ chuchoté, discret à son image : Isabelle Karl était très investie comme aidante dans sa sphère familiale et, à l’issue de cette période douloureuse, elle a migré vers d’autres ondes, trouvé un nouveau rythme en libérant ses talents d’illustratrice. Endossant une variante à peine voilée de ce qui était déjà un pseudo, elle diffuse sous la signature d’IsapointK et sous son vrai nom d’Isabelle Baglioni-Fouillaret, des dessins enveloppés de pure poésie aussi bien que des réflexions sur l’air du temps et la santé de la planète, sans oublier des vidéos “spécial quinqua” ponctuées d’une bonne dose d’humour.
Chaîne quinqua déchaînée
Au détour d’un âge de la vie qui malmène bien des femmes, elle a choisi d’en parler et d’en sourire à travers sa chaîne youtube en ouvrant quelques séquences de quinqua#génère débridée. « On est quinqua et, en plus, on n’a pas honte ! Notre génération continue à suivre, à se remettre en question, parce qu’on n’a pas le choix. Mais un jour, on ne se reconnaît plus sur une photo, alors on essaie de combler le décalage entre l’image de ce qu’on renvoie et ce qu’on est vraiment. » Sur la colère de cette photo, elle a franchi un cap, celui qu’elle repoussait timidement depuis qu’elle commençait à recevoir dans sa boîte des catalogues façon mamie.
Isabelle développe ce qu’elle a appris à Radio France, conserve ses méthodes et exigences de travail, et surtout le lien précieux qui l’unissait à une communauté qui continue à la suivre sur les réseaux sociaux. Élargissant la palette de ses outils de travail, elle fait bien plus que conserver son savoir-faire, elle augmente son potentiel d’expression. « Je me suis formée pour créer des template et être plus performante sur WordPress, même si j’ai le goût pour tout cela c’est quand même plus compliqué quand on n’est pas tombé dedans petit… » Déjà familière du montage audio, elle a ajouté la dimension de l’image. « On m’y encourageait dans mon environnement média, mais j’étais d’abord une voix, un anonymat qui me convenait. » Alors maintenant elle y va, nature et souriante dans son expiation « boomer », sans filtres tricheurs. « J’ai l’impression que la quinqua citadine ne vieillit pas, elle reste au top, alors que la quinqua rurale est renvoyée à son jardin… On s’intéresse pareillement à l’écologie ou aux droits des femmes ! » Et quand on y ajoute le statut de grand-mère, les “retouches” physique et la ménopause… Il y a de quoi écrire encore bien des pages aux sujets tabous que souhaite aborder Isa. « On parle à peine entre amies de ces changements du corps que l’on aborde et accepte plus facilement à l’adolescence. La femme avance, elle veut être libre mais elle ne peut pas parler librement de certains sujets. »
Passeurs de savoir dépassés
Les quinquas vivent sous le joug des apparences, reflets de ce qu’elles vivent dans la sphère professionnelle : « autrefois, les acquis et l’expérience faisaient qu’on était des passeurs de savoirs ; aujourd’hui, il faut entrer dans le moule numérique pour continuer à transmettre ». La série de vidéos, qui ciblait des quinquas, devient une sorte de mode d’emploi à l’usage des plus jeunes, avec par exemple un indispensable lexique des mots désuets à l’usage des ados. Au rythme d’une vidéo par semaine « en auto-médication » pour son auteure comme pour les autres, la chaîne grandit lentement et consciencieusement. « C’est un travail solitaire mais pas plus qu’à la radio où chacun porte son casque dans l’open space.»
Isabelle continue de prêter sa voix pour des son et lumière et pour des habillages d’antennes de Radio France puisqu’elle est équipée chez elle du matériel adapté, elle écrit des contes pour enfants livrés en podcasts clés en main (voix, montage et même illustrations) pour diffusion sur AirZen, et même pour un livre sonore en occitan avec Lagastina de Lucia et Nicolas Peuch auquel elle a volontiers contribué, ses origines corses l’attachant au sort des langues régionales. Ces illustrations numériques naissent sur sa tablette, avec un logiciel dédié, parce que les éditeurs ne s’encombrent plus guère des dessins sur papier : elle dit trop modestement qu’elle dessine en passionnée plus qu’en professionnelle. « Je me suis mise à beaucoup dessiner quand le dialogue s’est rompu lors de la maladie de maman, les choses se déclenchent souvent ainsi : si je ne fais rien, je coule. » Et c’est ainsi qu’elle est bénévolement community manager pour France Alzheimer et travaille en équipe sur un projet d’exposition, à la rentrée, pour sensibiliser le public à cette maladie. Ce qui ne l’empêche pas de se promener sur TikTok. Toujours le lien entre les générations. Passeuse un jour…